CINÉMAS DE PARIS. ELDORADO

ELDORADO
4, boulevard de Strasbourg (10e)
1500 places
1933-1981

En partenariat avec le magazine Historia. Pour contribuer et témoigner  : CINÉMAS DE PARIS

L’Eldorado est un café-concert construit à l’emplacement du manège Pellier (ancien manège Leblanc), initialement situé 11, rue du Faubourg Saint-Martin, à Paris dans le dixième arrondissement. La salle est  construite en seulement six mois par l’architecte Charles Duval*, sur la même parcelle, au 4, boulevard de Strasbourg, elle ouvre ses portes le 30 décembre 1858. Après une faillite, l’Eldorado est transformé, en 1862, par son nouveau propriétaire et devient un café-concert de renom, puis café-théâtre-concert en 1893 après rénovation.

L’Eldorado est l’une des quelques salles parisiennes – avec le Salon Indien du Grand Café **, L’Olympia, et les magasins Dufayel sur le boulevard Barbès (1896), le Ba-ta-clan, le Parisiana et le Casino de Paris (1897) – dans lesquelles le Cinématographe fait ses premières incursions. Le dimanche 29 mars 1896, la « photographie animée »  assure la seconde partie du programme, à 22h. ; puis à partir du jeudi 16 avril, à la demande des habitants du 10e arrondissement, par voie de pétition, un opérateur Lumière assure les projections de deux heures l’après-midi. Des matinées cinématographiques vont y  être régulièrement organisées à partir de janvier 1907. Mais en 1913, L’Eldorado cesse pratiquement le cinéma et reprend pleinement son activité de café-concert. Bach, le célèbre comique troupier y crée La Madelon en 1914. Et des artistes comme Dranem, Mistinguett, Raimu ou Maurice Chevalier vont s’y produire jusque dans les années 1930.

Entièrement reconstruit en béton armé par Paul Dubreuil, architecte du Syndicat français des directeurs de cinématographes, les travaux débutent au mois d’août 1932, il conserve le plan ovoïde, organisation spatiale et acoustique des théâtres utilisée par la suite au cinéma, comme au Rex et au Balzac. On doit notamment à Paul Dubreuil, l’audacieux Secretan Palace (1932) dans le 19e, la reconstruction de l’Ornano 43 (1933) dans le 18e, avec sa façade Art déco dans le style Paquebot. L’Eldorado devient ensuite un cinéma de 1 500 places avec un hall d’entrée majestueux et deux étages de foyers promenoirs. La salle est décorée avec soin et s’inspire du cinéma dans ses éléments de décoration, décors en staff évoquant des motifs égyptisants et bobines de pellicules stylisées.

Il est inauguré le 9 février 1933 avec Congorilla, “premier film entièrement tourné en Afrique” par les « Amants de l’aventure » américains Martin et Osa Johnson et Paris-Soleil, une comédie de Jean Hémard. Situé à proximité des Grands Boulevards entre les portes Saint-Denis et Saint-Martin, l’Eldorado devient, par sa taille, un temple de cinéma pour les films de première exclusivité. Les files s’allongent sur le boulevard de Strasbourg et les spectateurs sur le trottoir semblent bien petits au regard des immenses panneaux peints insérés dans la façade Art Déco. Le journal Comœdia évoque l’ouverture du cinéma.

Un café-chantant se fait cinéma in Comœdia, 10 février 1933

L’Eldorado a rouvert ses portes hier soir, complètement rajeuni et transformé en joli cinéma parlé, devant un public nombreux et élégant. La vieille salle de café chantant qui fit les délices de nos pères, a été complètement rasée, et à sa place, une très jolie salle moderne aux lignes sobres et de bon goût, a été édifiée par un jeune architecte de talent, M. Dubreuil.

Ces travaux parfaits ont été exécutés dans un record de vitesse, car quatre mois ont suffi pour l’édification de ce nouveau Palace, et toutes les personnes qui ont assisté à à la soirée d’inauguration, ont été unanimes à féliciter la direction et l’architecte. L’Eldorado contient près de deux milles places confortables, sur des fauteuils de grand luxe. La salle est chauffée et ventilée par pulsation d’air chaud et froid ; l’air y est continuellement renouvelé et purifié par un machinisme perfectionné. Une installation de nettoyage par le vide permet de supprimer toutes les poussières.

L’Eldorado donnera quatre séances par jour : Une de 12 à 14 heures ; deux séances complètes de 14 h. 30 à 19h.; une séance de 20 h. 30 à 23 h. 30. La location sera gratuite et les prix modérés. Les programmes seront généralement composés de films en avant-première semaine, ou en exclusivité, et renouvelés chaque semaine. Comœdia est heureux de saluer la naissance d’une nouvelle salle et s’associe chaleureusement aux succès qui couronneront les efforts de son active et sympathique direction.

Au début des années 1970, l’Eldorado s’essaye à une programmation alternative… en projetant des films érotiques et classés X qui ne disent pas leur nom, ou presque, c’est d’ailleurs dans cette salle qu’est montré le premier porno à Paris, comme le rappelle Alexandre H. Mathis “Avec mon amie, on était éberlués par ce que l’on voyait car la nature du film n’était pas annoncée, c’était la première fois que l’on voyait un film X sur un écran commercial (autre que la Cinémathèque d’Henri Langlois).” Une activité que poursuivra, la Scala, salle voisine située au numéro 13 du boulevard de Strasbourg, ancien café-concert, théâtre, cinéma puis multiplexe porno, avant de redevenir un théâtre en 2018. L’exploitation des films classés ne durera qu’un temps, jusqu’au mitan des années 1970. En 1977-1978, la salle est gérée par Simone Lancelot, qui a fait ses premières armes au Montcalm, un petit cinéma de la rue Ordener dans le 18ème, secrétaire, caissière, ouvreuse, programmatrice, “Madame Cinéma” connaît toutes les ficelles du métier. Après le Montcalm, elle travaille pendant la guerre au Barbès Palace (18e), puis au Studio de l’Etoile (17e) mais aussi au Scarlett (18e), l’Atlas (18e), le Jean Renoir (18e), et l’Eldorado dont elle prend la gérance. Avec la crise que traverse le métier d’exploitation dans les années 1970, L’Eldorado, qui assiste au déclin de sa grandeur passée, survit en programmant des films d’action et de kung-fu. Mais le rideau est définitivement tiré le 7 juillet 1981.

Le hall d’entrée et la salle sont classés à l’inventaire des Monuments Historiques le 5 octobre 1981, en même temps que le Grand Rex et le Louxor. Au début des années 1980, la salle devient un temple du punk rock et de la New Wave, de nombreux groupes s’y produisent, The Smiths, R.E.M, les Fleshtones, New Order, The Cramps pour ne citer qu’eux. L’Eldorado, rénové en 1993-94 à l’initiative de son nouveau directeur Maurice Molina, retrouve sa vocation pour le spectacle vivant. En 2000, il prend le nom de Théâtre Comédia et devient l’une des premières scènes parisiennes pour les spectacles musicaux, les pièces à succès et les shows d’humoristes. Il est repris en 2011 par Jack-Henri Soumère, directeur de l’Opéra de Massy qui le cède en 2013 à l’homme d’affaires, Marc Ladreit de Lacharrière. Racheté en 2017 par le producteur Jean-Marc Dumontet qui possède plusieurs salles de spectacles dans Paris, comme le Bobino, le Point-Virgule, le Théâtre Antoine, il est rebaptisé “Théâtre Libre”. Doté de deux salles (934 et 154 places), il programme des spectacles de danse, de cirque, du théâtre, ou encore le Live Magazine, un concept de “journal vivant” où se succèdent journalistes, photographes, réalisateurs etc. pour raconter en images des histoires.

A l’affiche : Antoine et Antoinette (1947, Grand prix du festival de Cannes) de Jacques Becker

*À qui l’on doit notamment Le Grand Café Parisien du Boulevard Saint-Martin (1857), plus grand café du monde, l’Alcazar d’hiver (1858) situé rue du Faubourg-Poissonnière et Le Ba-ta-clan (1864)
** Au 14 boulevard des Capucines, Paris 9e, où a lieu de la première projection publique du Cinématographe Lumière, le 28 décembre 1895.
Au numéro 7, le photographe Léon Langlois y installe son studio en 1882 “La Photographie de l’Eldorado”.
Merci à Simone et Martine Lancelot, Alexandre H. Mathis et Dominique Blattlin.

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La rédaction de PARIS-LOUXOR.fr