LE LOUXOR RÉVÈLE SES COULEURS #2. Commentaires

Salle principale en 2013 © Art Graphique et Patrimoine

Il y a quelques semaines PARIS-LOUXOR découvrait un texte d’octobre 1921 révélant des informations inédites sur les couleurs et des éléments de décoration du Louxor, retour sur cette découverte avec Philippe Pumain.

Le projet de l’architecte Philippe Pumain est de reconstituer la décoration du Louxor, au plus près de ce qu’elle était en 1921. Sachant que peu de documents existent sur le détail des couleurs et des éléments décoratifs (les photographies d’époque sont en noir et blanc), et que ceux-ci ont subi les outrages du temps et des rénovations successives (notamment dans la grande salle, les décors d’origine ont été recouverts d’un décor au pochoir dit « néo-grec » dès 1930, puis de moquette en 1954 etc.). Le texte “Architecture et décoration” de Yan B. Dyl mis au jour par PARIS-LOUXOR* est sans nul doute une pièce importante apportée au travail de réhabilitation du Louxor. Non seulement ce texte valide les précédentes études de Philippe Pumain mais surtout apporte des éléments nouveaux donnant ainsi l’assurance que le nouveau Louxor sera au plus près de ses couleurs et motifs d’origine. Aussi, nous avons demandé à Philippe Pumain de nous apporter son éclairage sur cette découverte.

En quoi ce texte est important au regard de la réhabilitation du Louxor ?

Philippe Pumain : Il confirme d’abord (et en soi, c’est important) tout de ce que nous savions déjà : faux marbre noir, faux marbre ocre (porphyre), fond « crème », colonnes lotiformes, plafonniers ajourés… mais il apporte surtout une précision décisive quant aux têtes : Elles étaient bien sur les pilastres (« larges piliers plats »…) et il s’agissait de têtes « couleur bronze », donc a priori monochromes, inspirées du Sanaousrit (Sanousrit, Senousret…) de Karnak.

“ Au-dessous du soubassement de larges piliers historiques plats en porphyre ocre, aux figures de bronze, inspirées du Sanaousrit [sic] de Karnak, soutiennent la frise supérieure composée dans le mode thébain.”

Il s’agit d’une information que nous cherchions depuis le début, a priori ça devait ressembler à l’image ci-jointe.

Il est par contre un peu imprécis sur deux points : lorsqu’il parle du motif du vautour ailé reproduit un peu partout, c’est vrai en plafond, par contre ailleurs, il s’agit du soleil ailé.

“Et, disséminé un peu partout, le motif ornemental du vautour aux ailes déployées de Nekhabit et d’Ouazit [sic]…”

Frise des égyptiennes – Photo Pascal Dhennequin – DPA

Plus étrange, lorsqu’il parle de la frise « des hommes à tête d’animaux », il s’agit en réalité d’une frise de femmes à têtes de… femmes. Certes elles ne sont pas très bien représentées et c’était en partie haute, mal éclairé, voire à contrejour, ceci explique certainement cela.

“Au-dessous du soubassement de larges piliers historiques plats en porphyre ocre, aux figures de bronze, inspirées du Sanaousrit [sic] de Karnak, soutiennent la frise supérieure composée dans le mode thébain. Des hommes à tête d’animaux présentés de profil s’y suivent sur un même plan horizontal ainsi que sur les figures murales de Karnak et d’Abydos et dans sépultures monumentales ou mastabas de l’époque memphitique.”

Il nous confirme aussi qu’il y avait un rideau peint (escamotable devant l’écran), dont aucune image n’existe et qui était selon lui d’un goût très discutable, ça tombe bien, nous n’avons pas prévu de le restituer.

“Je m’abstiendrai, par exemple, de louer certain rideau peint où prétend s’évoquer le portique ruiné du temple de Louxor ; outre qu’il est d’un coloris que nous avons assez vu à l’Opéra-Comique et ailleurs pour en être écœuré, il nous montre au bord du Nil d’étranges collines qui laissent un peu rêveurs. Et l’établissement possède un splendide rideau d’étoffe d’un goût trop pur pour nous exhiber cette pauvreté.”

Pour les fauteuils, il confirme le coloris « acajou » sombre, cohérent avec ce que nous savions déjà, et, par défaut, comme il ne parle pas de revêtement en tissu ni en simili cuir, cela va dans le sens de ce que je pense, à savoir que les tout premiers sièges étaient non pas gainés comme le modèle qu’ont récupéré la Cinémathèque et d’autres (et que nous allons réinterpréter), mais tout en bois, d’un modèle certainement très proche de celui qui est encore en place à la salle Cortot de Perret, avec un dossier cintré. Mais pour une salle de cinéma, ça devait vraiment manquer de confort et je pense que les sièges « d’origine » ont très vite été remplacés par les sièges que nous connaissons, avant même la fin des années 20.

“Nous le retrouverons sur la partie supérieure des soubassements, soutenant les frises et les balcons, dominant les portes, la scène et l’orchestre, monstrueuse gueule de porphyre rose d’où s’échappent des harmonies, jusque sur les fauteuils d’acajou sombre et dans la forme décorative des lampes suspendues.”

Pour l’extérieur, il confirme ce que nous ont révélé les sondages, à savoir que les inscriptions étaient sur fond rouge (« vermillon » dit-il…) et nous donne également une info intéressante : les mâts étaient peints (« coloriés »…), malheureusement il ne précise pas la couleur (peut-être rouge aussi…) mais c’est une info nouvelle et intéressante.

“Au-dessus, le bâtiment s’enlève, blanc avec des rappels de vermillon et il ne manque même pas, à l’ensemble IXe dynastie, le mât de bois colorié qui s’accolait aux pylônes du temple de Khonsou et portait de longues banderoles de diverses teintes claquant dans le vent et le soleil.”

Voilà pour l’essentiel de ce que nous révèle ce texte, c’est déjà beaucoup, merci de cette trouvaille.

*A lire :  Le Louxor révèle ses couleurs par Laurent Albaret, autour du texte “Architecture et décoration” de Yan B. Dyl.

Laurent Laborie

Laurent Laborie est président de PARIS-LOUXOR.