CANNES 2011 : DE L’ART DE PRENDRE DE LA HAUTEUR

Talons croisette - LL PARIS-LOUXOR

Nous sommes parfois amenés à penser, dans un élan de pragmatisme, que le choix des chaussures peut apparaitre comme un facteur superficiel dans la composition d’une tenue. A Cannes, il s’agit d’un facteur essentiel puisque ce choix va conditionner le choix des activés ou d’intentions d’actions.

Pendant le Festival de Cannes, l’attente (parfois longue) d’un film, la traversée de la Croisette,  monter les marches et terminer sa nuit dans une soirée cannoise avant de rentrer au petit matin constituent autant d’éléments qui peuvent ponctuer une seule journée de Festival. De fait, porter, ou non, des talons relève d’un pronostic que l’on peut faire sur soi, sur sa volonté de faire les activités prévues, et sur la connaissance que l’on a du terrain. À Cannes, bon nombre de jeunes femmes arpentent la Croisette perchées sur des talons d’une dizaine de centimètres ; la démarche est assurée et force l’admiration des festivalières. Ces dernières, après avoir expérimenté la file d’attente au soleil, ont vite compris la nécessité de chaussures légères et consensuelles.

À Cannes, les talons des chaussures apparaissent aussi comme l’insigne de ce que nous souhaitons faire et de l’image que nous souhaitons renvoyer. Les habituées cannoises, mais surtout les stars et inconditionnelles du tapis rouge sont celles qui savent comment elles rentreront au petit matin. Elles semblent s’affranchir des doutes sur la faisabilité d’une sortie en talons hauts et gagerons que le risque encouru sera moindre. Les autres, moins aguerries, se risqueront à glisser une paire de tongs dans leur sac, ou à appeler un taxi, quand, à l’aube, les stigmates de la nuit apparaitront, réveillant à leur tour les douleurs de la journée.

À Cannes, les talons sont plus qu’un signe extérieur d’élégance ; ils relèvent d’une prise de risque quotidienne et d’une défiance juvénile à l’égard des autres femmes. Ils sont alors un indicateur de position d’appartenance à la ville et s’affichent comme les accréditations des jeunes cannoises à circuler en parallèle des spectateurs, comme héroïnes cinématographiques modernes, risquant la chute à chaque instant, sacrifiant leur confort sur l’autel de l’élégance et marquant éternellement du claquement de leur talons le bitume de la Croisette.

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Sous la direction d’Emmanuel Ethis, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
(Centre Norbert Elias, équipe Culture et Communication)

Stéphanie Pourquier-Jacquin

Stéphanie Pourquier-Jacquin, doctorante à l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse sous la direction d'Emmanuel ETHIS (Centre Norbert Elias, équipe Culture et Communication)